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ENTRE DEUX CARESSES

grenage mortel des machines politiques et judiciaires, il sentait naître en lui une forme neuve de sentiment. Un sentiment de midinette qui soigne son pot de basilic ou de réséda, sa bouture de géranium ou son œillet sur le rebord d’une fenêtre au huitième étage de quelque maison-caserne des faubourgs. Mais comme cela s’harmonisait bien avec cette dérobade délicate du flot sous le lourd navire qui le portait. Mexme cultivait maintenant l’hypnose du mouvement sur une plaine infinie, mortelle et mouvante. Le dos d’énormes vagues sous-marines apparaissait parfois sur la planité océane. On voyait les lourdes échines d’eau s’incurver et se perdre dans l’orbe fluide dont le navire était toujours le centre. Venus d’où, ces remous puissants dont la spire taraudait la mer comme un vilebrequin monstrueux ? Des îles lointaines où il fait si bon vivre dans la félicité salace des femmes teintes de soleil ? Ou encore des pôles où la mort règne ?

. . . . . . . . . .

Cette sentimentalité développait en Mexme un sourd et tragique besoin d’aimer. Le mot prenait un sens neuf en son esprit rénové par tant de brutales contingences.

Et il pensait à Jeanne Mexme…

Jeanne…

Une forme longue souple et blanche, un corps frais et poli, un visage où toute beauté s’épanouissait comme dans une image divine… Il pensait aussi à ces paroles aiguës et ironiques, à cet esprit