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ENTRE DEUX CARESSES

jouer sa destinée, il valait mieux regagner l’Europe. Il retourna d’abord l’idée avec souci puis, comme il aimait se décider vite et sans retour, il partit pour Boston où il s’embarquerait pour l’Espagne. Ensuite…

Il avait su, par des spéculations expertes, maintenir son capital. Ses vingt mille dollars étaient encore intacts.

Tout de même, à Paris, cela faisait plus de quatre cent mille francs. Il fit mettre en ordre ses papiers mexicains, dans une officine spéciale, et un jour, avec un léger battement de cœur, il s’embarqua. Le bateau sur lequel Mexme était passager manquait de la somptueuse splendeur des grands paquebots de la Cunard ou de la Compagnie Générale Transatlantique. Il transportait des passagers en petit nombre et surtout des marchandises pour l’Espagne. Mais qu’importait à l’ancien banquier.

Il songeait à son voyage dans les cages du Bethencourt. Assis sur un fauteuil d’Amérique, le forçat évadé reprenait un par un ses souvenirs de misère. Ils étaient récents. La mer Atlantique déroulait cependant devant lui ses houles infinies. L’étincellement innombrable des jours, la sombre transparence nocturne l’emplissaient de poésie et de volupté. Jamais il n’avait perçu jusque-là cette douceur liquide et coite, inquiète et fervente, qui naît et s’étend en mer dans l’âme du voyageur à l’âme triste. Jadis financier perdu dans les chiffres, puis pauvre diable saisi par l’en-