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ENTRE DEUX CARESSES

ses rêves d’avenir il n’a pas vu que ses pas adoptaient un vrai sentier fait par les hommes. Seule une main a pu disposer ces souches coupées et parallèles. Il avance appuyé sur son bâton…

Soudain, à cinq mètres, un homme sort de l’ombre d’un arbre et se plante sur le chemin. Mexme sent comme une secousse en ses nerfs tendus. Voilà le premier être rencontré depuis le Camp des Serpents. Qu’est-il, ami ou ennemi ?

Il s’arrête et regarde le survenant. Il est vêtu de blanc et porte des leggings de cuir rouge. Sa barbe longue est roussâtre. Il aiguise sur Mexme des yeux mélancoliques et autoritaires.

L’évadé dresse sur des jambes encore fermes un corps aminci mais rigide et tout en muscles. La face est sculptée par un rude burin. Tout y est anguleux et taillé à méplats nets. Mais nulle ride ne s’accuse. Mexme regarde droit, la bouche méprise un peu. Le bras appuyé sur le lourd gourdin poli lui donne toute la noblesse d’un pasteur grec rêvant à la bien-aimée.

Et l’homme à barbe rousse a vu tout cela.

Il avance à toucher cet individu en haillons, magnifique et hautain, qui le dévisage avec noblesse.

Il lui dit enfin en français :

— Transporté évadé, Monsieur ?

Mexme fait « oui » de la tête.

Alors l’autre lui tend la main :

— Venez, vous êtes mon hôte…