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ENTRE DEUX CARESSES

l’oreille prête, Mexme marchait, attentif à tout voir et à tout entendre. Autour d’eux à mesure qu’ils avançaient, la forestière floraison se refermait. Une odeur sûre et lourde, répandue par la millénaire putréfaction équatoriale les pénétrait et les suivait.

Depuis quatre mois qu’il était à la Guyane, Mexme s’était habitué à l’idée d’une prochaine évasion. Il avait donc voulu tout prévoir. Il est vrai qu’en ce moment des sergents-surveillants faisaient des rondes dans la forêt avec des chiens-loups. Il fallait les éviter et éviter d’autres Européens aussi, qui exploraient ces parages. Il était encore utile que la poursuite ne commençât pas avant cinq heures du soir, afin qu’ils prissent une bonne avance.

Les deux hommes ne marchaient pas vite, mais, certes, nul explorateur bien outillé n’eût progressé avec plus de certitude. Mexme sentait renaître en lui sa vieille âme de champion olympique. Il savait surveiller la direction par l’angle de marche avec le soleil, dont, de temps à autre, il percevait un rayon égaré dans le fouillis immense et sinistre qui régnait partout.

C’est qu’il fallait tenir sa ligne et s’éloigner rigoureusement du camp. C’est très difficile. Le soleil, étant à gauche, devait aujourd’hui faire un angle très aigu avec la marche. Demain, cet angle serait plus grand, pour éviter une large terre marécageuse. Quand on aurait marché trois jours et qu’on serait dans la région haute, où la végé-