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ENTRE DEUX CARESSES

Il sortit. La soirée était douce et tiède. L’air lavé par une courte averse gardait une fraîcheur humide de baiser féminin. Le ciel étalait un velours gris cendre. Il était dix heures. La vie nocturne de Paris se préparait, pour commencer à la sortie des théâtres, cette vie qui doit tout au caprice et à ses folies, car sa raison ultime comme son point de départ sont le désir sexuel. Pourtant, dans la tiède caresse de l’air léger, Mexme sentait passer des frissons qui lui faisaient serrer les épaules. Et il songeait à Jeanne Mexme fuyant vers quelque pays perdu… Il eut aimé aller au concert de Montparnasse où la veille il s’était amusé… Mais il évoqua Aglaé… Ce fut comme si une pointe très fine passait en son cerveau d’une tempe à l’autre, et il souffrit d’un autre genre de peine qui complétait sa grande douleur.

Non… Il n’irait pas là-bas. Et d’ailleurs il était trop tard. Puis il avait connu, dans cette région de Paris, une de ces humiliantes faiblesses dont on ne se console point en un jour. Alors, faute de volonté nette, il suivit les rues au hasard…

De la rue Laffite il gagna la rue Lafayette, puis revint par la rue Caumartin. Dans un curieux état d’âme il laissait son esprit flotter autour des idées sans pouvoir les étreindre. Au fond cela ne laissait point d’être agréable. Mais il eut fallu faire taire cette conscience, qui, à chaque pas, répétait : Jeanne est partie… Il passa devant l’Olympia, et là, hésita sur la route à suivre. Brusquement il se décida à fuir ce quartier autour duquel une sorte