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ENTRE DEUX CARESSES

raisonner et ses idées le fuyaient. Une seule s’obstinait à demeure devant lui, comme un ordre : à savoir que la vie dans cette vaste bâtisse, privée d’âme par le départ de Jeanne, demeurât pourtant strictement semblable à ce qu’elle était auparavant. Cela, c’était en lui le grand bourgeois qui le voulait. Et il songeait qu’il fallut encore éviter la révélation à quiconque du départ de Jeanne. Était-ce possible ?

Pour rétablir la norme, d’abord il fallait dîner.

Georges se redressa encore une fois et se rendit dans la salle à manger. Rien n’était disposé. En termes acérés il donna ses ordres et monta relire la lettre de sa femme.

Quand il descendit, ayant brûlé le pli, le couvert était mis. Il s’assit et se contraignit à manger selon l’habitude. Ce lui fut un supplice, mais il le fallait…

Il but trois verres de liqueur et connut, à la flamme naissant alors dans son cerveau, que son optimisme inné ne mourrait pas ce jour-là. Il percevait, après deux jours sans sommeil, une grande lassitude dans sa machine physique, mais pourtant il n’avait nulle envie de dormir. Tout au contraire…

Que faire ? Ah ! ne point se coucher tout de suite certes… Attendre pour se mettre au lit que la fatigue devînt incoercible… Alors il éviterait les cauchemars et les angoisses que la fuite de Jeanne ne saurait manquer de traîner dans sa pensée, endormie, mais toujours consciente de son mal.