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ENTRE DEUX CARESSES

lèvres, toutes les paroles d’excuses. Ah, Jeanne… Comme ce soir il allait l’aimer…

Il songeait, devenu poète, que la Bourse est une belle chose. Elle représente l’activité des hommes, mieux certes que tous les lyrismes et les littératures, sous une symbolique somptueuse. Une cote, c’est la résultante de millions d’efforts convergents vers un but inconnu et que seul sait lire l’homme de Bourse. Une baisse c’est tout le labeur de millions d’êtres qui se vend plus mal, une mode qui change, une grève d’ouvriers, une inondation, une découverte en passe de modifier quelque chose aux utilisations des corps simples. Une hausse, c’est la guerre, ou un changement dans le comportement des hommes : le télégraphe, l’automobile, l’aviation. Deux ou trois chiffres suffisent à représenter tout cela. À 800, cette valeur explique qu’on préfère la perle au diamant, ou le platine à l’or, ou qu’on a inventé un nouveau moteur, ou qu’un groupe d’ouvriers est passé d’une opinion rose à une autre plus rouge. À 900, elle dit qu’un changement de Gouvernement a eu lieu, ou qu’il y a une tension diplomatique entre tel pays et tel autre. Tous les faits sociaux sont là-dedans. C’est l’histoire du monde qu’une cote de Bourse. Et ces noms de valeurs, quelle synthèse ils constituent ! Le Rio Tinto évoque les douilles d’obus et les bijoux faux, le trolley des tramways et la fausse dorure du cadre où figure un portrait aimé. C’est aussi la fourchette en ruolz et le sulfate de cuivre pour la