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ENTRE DEUX CARESSES

Peut-être aussi lui faudrait-il cette nuit une chair à étreindre. Il croyait, ou il sentait nécessaire, avant une bataille qui pouvait renverser sa destinée, de goûter une fois encore des joies qui ne laissent pas de regrets.

Comme il pensait cela il dit à haute voix :

— La cigarette du guillotiné, quoi…

Et un frisson lui passa sur l’échine. Mais un frisson qui attisait ses désirs plutôt que de les calmer.

Il se fit conduire à Montparnasse et gagna paisiblement un concert de quartier. Là, nulle crainte de voir apparaître une tête blafarde de coulissier hostile, un masque cauteleux de député véreux, une face blette de journaliste maître-chanteur. Il se trouvait dans le bon public parisien, si facile à égayer… Il est vrai de dire que tout aussi facilement on lui donne la frousse, et même le courage…

Mexme s’amusa fort, en ce repaire de la vieille gaîté rabelaisienne et de la sentimentalité classique… Il aimait les plaisanteries un peu grosses et les chansons violemment épicées. Il ne détestait même pas les variations pleurnichardes sur toutes les déshérences de la vie sociale. Ce n’est pas qu’il se sentit en rien envie de pleurer à l’évocation du soldat envoyé à Biribi, et dont la mère infirme est chassée par un propriétaire cupide, ou de la petite ouvrière aimant à la folie un gaillard qui se prétend maçon mais s’atteste vraiment archiduc, la rend enceinte, l’abandonne et la laisse