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Ce n’était rien plus qu’une femme de chambre venant donner à la literie un peu d’ordre et à la chambre un peu d’air.

Il y eut encore dix minutes sans gaieté pour Athanase, mais il comprit enfin que le lit était refait. Les serviettes se trouvaient changées et les sièges remis en place correcte. Cette fois, il se croyait assuré d’une prochaine solitude bien propre à préparer sa fuite et son retour dans la société.

Mais, par les sept enfers et les septante-neuf vices inscrits au codex de la luxure ! Par Belzébuth, sainte Chaterine de Sienne et tous les gazomètres parisiens, l’idée n’est-elle pas venue à la femme de chambre de regarder sous le lit ! Quelle maudite lubie l’inspira ?

Et elle voit Sirup, qui la voit en retour, un Sirup aussi ahuri que le sont les clients du bourreau de Tyburn, lorsque la trappe se dérobe sous leurs pieds et que la corde commence à leur serrer le kiki…

La femme de chambre, par chance, est une petite peureuse. Elle se trouve soudain si émue que la voix lui manque pour appeler. Elle va pourtant courir jusqu’au couloir, ameuter les gens de service. Sirup, hâtif, rampe comme un cobra sous le lit, allonge les mains et empoigne par les jambes la charmante jeune femme à demi-morte, qui lui dit d’une voix expirante : « Laissez-moi, dites, laissez-moi ! »

Enfin, tant d’émotions bouleversent la pauvre enfant et la font évanouir. Elle s’affaise sur un fauteuil, qui s’est trouvé là comme exprès. Sirup abandonne les chevilles fines et cherche à sortir de son refuge. Il veut même aller si vite qu’il se coince à demi et voit venir l’heure où il sera incapable de quitter ce lit de Nessus. Pourtant, après s’être cabossé le front, écorché un coude, éraillé le genou et cogné l’échine, il parvient à se mettre debout. La vie change aussitôt d’aspect à ses yeux. Peu de personnes ont médité à ce sujet sur les différences que doivent comporter l’esthétique et