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pour mettre à contribution les poches de ceux qui croyaient la séduire. Ses artifices possédaient une sorte de vertu diabolique. En un tournemain, le contenu des bougettes, des sacs à main ouverts comme magnétiquement, et de tous recoins accessibles des vêtures passait dans ses mains et s’allait amasser sous sa jupe, en une poche secrète qu’elle atteignait sans avoir l’air de bouger les doigts. C’était une voleuse admirable, diplômée, prix Nobel, et membre certainement de l’Institut des voleurs, que Mary Racka.

Mais Sirup, qui aurait dû pourtant se sentir bondé d’enthousiasme, à l’idée de posséder un professeur d’une telle maîtrise, passait par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, surtout lorsqu’il voyait disparaître autour de lui toutes les épingles de cravate des hommes. Et cette timidité semblait même à sa compagne le comble d’un art raffiné…

Le soir vint. Après avoir dîné en ville, le couple rentra chez Mary Racka, qui déposa sur une coupe d’onyx les bijoux dérobés — une vingtaine — et fit l’inventaire de cinq portefeuilles. L’un d’eux était garni de six billets de mille francs.

Sirup, qui s’habituait, dit avec un air finaud :

— Ça suffira pour aujourd’hui ?

— Jamais de la vie, rétorqua la jeune femme. À onze heures et demie nous allons chez la vieille, ça ne te plaît pas ? Tu sais, reprit-elle avec insolence, si tu as la frousse ?…

— Moi, cria Sirup, moi la frousse ? Ah ! on voit bien que tu ne connais pas les hommes. J’en ai vu d’autres !…

Ce disant, il tentait de découvrir les charmes de son aimée, pour leur offrir ce que les écrivains nomment, dans leurs dédicaces : l’hommage le plus dévoué ». Il pensait : Je vais peut-être arriver à la faire somnoler, en y mettant du mien…

Et il tenta, pour éviter d’étrangler la vieille, de se faire un virtuose d’amour. Il avait beaucoup à apprendre, mais il fallut reconnaître, et Mary n’y manqua point, sa splendide bonne volonté…