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LXXVI
PRÉFACE.


et de sentiment la littérature d’idées, à ne point se préoccuper que leurs livres embellissent, soi-disant ; la vie. Ils apprendront qu’il existe une littérature sœur de la musique et de la peinture, qui n’a pas à se préoccuper de discuter, ni de démontrer, ni d’attaquer, m de défendre, une littérature qui montre, ou suggère, par des mots, comme font la musique par les sons et la peinture par les couleurs.

Ce qui manque à son œuvre, a-t-on dit, c'est un parfum d’humanisme. Quelle absurde affirmation ! Si on l’y respirait, ce parfum la dénaturerait, au contraire. Quand nous voulons le subodorer, nous n’avons, depuis des siècles, que l'embarras du choix entre des centaines de flacons à déboucher ; mais, les odeurs naturelles du foin, des feuilles et des fleurs, qui ajouterait une goutte d’essence empruntée à Théocrite, à Virgile ou à Tibulle ? Elle ne ferait que les chasser. Renard avait trop de goût, et trop le sens profond de la vie moyenne aux champs comme a la ville, pour ne se pas rendre compte que de semblables rappels détonneraient dans ses livres. Il faut le féliciter de s’en être abstenu, grâce à quoi, loin des grands lyriques qui ont chanté le cycle des saisons et des travaux, loin des grands romanciers et des grands dramaturges qui n’ont point redouté de dépeindre des passions redoutables au cours d’intrigues mouvementées et vraisemblables, loin des grands moralistes laïcs ou religieux qui ont étudié tous les sentiments humains, il occupe une place de choix que personne m peut légitimement songer à lui disputer.

Ce domaine où il est si bien chez lui, tâchons de le circonscrire. Ce serait comme une maison de campagne, à égale distance du château et de la chaumière, où quelques Parisiens délicats et distingués voisinent avec des paysans humanisés, dans un décor d’une absolue clarté : ni brouillard à demeure, ni soleil perpétuel. Même en automne, il