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LXXIII
PRÉFACE.


devait avoir recours au latin, il me semble qu’on ne peut aller plus avant dans l’introspection, ni s’exprimer avec plus de liberté : elle serait parfois du cynisme, si l’humorisme ne l'en faisait dévier. Renard ne se ménage pas ; il se jette à lui-même, et en pleine face, ses quatre mille vérités quotidiennes, et Rousseau est relié sensiblement en-deçà, quant au menu détail. Mémoires d’Outre-Tombe ? Immense palais où, par les longs corridors sonores, le rêve talonne la réalité qu’il adjure de se dérober sous les tentures gonflées par le vent venu de tous les pays où l’Enchanteur a erré. Confessions, Mémoires, Confidences, Histoire de ma vie, Journal, peu de genres littéraires aussi cultivés. C’est à celui des Goncourt que le Journal de Renard ferait le plus penser, mais uniquement pour la disposition typographique.

"II faut " écrit-il le 11 mai 1894, " que notre Journal ne soit pas seulement un bavardage comme l’est trop souvent celui des Concourt. Il faut qu’il nous serve à former notre caractère, à le rectifier sans cesse, à le remettre droit. " Le 17 mai : " Rousseau converse avec son âme, et Concourt plutôt avec le petit esprit de ses voisins. " Le 10 juillet : " j’écrirai un livre qui étonnera mes amis. Je ne me croirai pas supérieur aux autres, comme Concourt. Je ne dirai pas de mal de moi pour qu’on m’excuse, comme Rousseau. Je tâcherai seulement de voir clair, de faire en moi la lumière pour les autres et pour moi. "

Ce livre qui lui revint souvent à la pensée, il ne l’écrivit pas, mais tous les matériaux en sont épars ici. Réflexions, anecdotes sur autrui n’en sont point absentes : les observations sur lui-même y tiennent la plus grande place. Elles sont d’une précision et d’une verdeur inégalables. On ne manquera point d’y relever des contradictions. On le fera dans un sentiment puéril de supériorité, comme un maître