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LXXI
PRÉFACE.


dans le peuple de la basse-cour, un hôte de distinction ". L'on y rencontre d’innombrables et précieuses observations sur la physiologie des animaux, sur leur utilité sur la façon de les élever pour les détruire plus tard.

Chateaubriand a repris Buffon d’un point de vue sans doute religieux, étant donné le dessein du Génie du christianisme, mais surtout littéraire. Ah ! son rossignol, et ses nids, et ses migrations des oiseaux, et ses canards sauvages qui laissent loin derrière eux, dans le ciel du symbole, celui d’Ibsen ! Ah ! son crocodile des monts Apalaches ! Tout cela est très beau. Renard le sent et le sait ; mais, précisément, c’est du déjà écrit, et puis, dans cet autre jardin de Versailles, il n’y a point place pour le crocodile. Mais le rossignol y peut chanter ? Sans doute, si nous ne Pavions pas déjà entendu ailleurs. Mais le cheval ? Mais le cygne ?

Renard est entré dans le temple de la psychologie par la porte de l'humorisme, et c’est de son seuil qu’il a vu beaucoup de ses animaux. Il écrit dans son journal, le 19 septembre 1895 : " Buffon a décrit les animaux pour faire plaisir aux hommes. Moi, je voudrais être agréable aux animaux mêmes. Je voudrais, s'ils pouvaient lire mes petites Histoires naturelles, que cela les fît sourire " .

Je ne dirai pas comment le cheval répond à celui de Buffon ; mais le cygne, qui " s’épuise en apparence à pêcher de vains reflets " , chaque fois " qu’il plonge dans la vase nourrissante " , ramène un ver, et " il engraisse comme une oie ". A maint autre endroit intervient ainsi la mise au point des grands sentiments dont seraient susceptibles nos frères inférieurs recréés à notre fugitive image. Ailleurs, c’est l’humorisme qui, à lui seul, construit et peint. Mais je sais aussi tels poèmes en prose des Histoires naturelles qui relient inégalables dans leur