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LXIX
PRÉFACE.


parmi des paysages somptueux, alors que, sur une plaine, sur une chaumière ils déchaînaient toutes les forces de la nature et vidaient tout le contenu de leurs tubes à couleurs, Renard, avec précision, avec mesure, avec goût, décrivait les paysages comme il faisait les paysans : en fonction d’eux-mêmes. La nature, je ne dis pas qu’il l’ajuste à la taille de l’homme : il la lui fait seulement concorder en équivalence, et, dans notre littérature en prose poétique, je ne connais aucun autre exemple d’aussi parfait accord du milieu et des hommes qui y vivent. " Trois ou quatre maisons, juste ce qu’il faut de terre et d’eau à des arbres, de pâles souvenirs d’enfance dociles à notre appel ", quelle discrétion ! Et c’est là presque toute la substance de ses livres, accommodée aux circonstances diverses. " Les fermes éparses, les champs nets, les vignes claires, les bois percés à jour ", il nous les indique sans vaine insistance, et il ne souffre pas de " l’horizon borné " ; c’est qu’il est là chez lui, dans son domaine dont il nous fait les honneurs sans appuyer sur ses richesses. Il en a tout ameubli. De ce coin de campagne française il a fait un jardin où l’on peut errer en sortant de Versailles. L'ensemble en est classique parce que le goût, qui a modifié jusqu’aux rapports entre la nature et les hommes, a présidé à son agencement.

10. Les animaux vus par Jules Renard. — Cet agencement, il n’y a pas jusqu’aux animaux qui n’y participent. La fable est aussi ancienne que l’humanité. Avec une émotion communicative, Michelet a parlé de l’homme des champs du Moyen Age qui se demande : " Pourquoi mon âne n’aurait-il pas entrée à l’église ? " L'âne et les autres animaux étaient entrés dans la littérature des dizaines de siècles auparavant, témoin les fables de l’Inde, que Kipling rénova de fond en comble avec le génie qu’on