des coutumes de couleurs voyantes et des parapluies à carreaux rouges et bleus, attachés avec un cordon blanc. En semaine, tous vivent de pain, de soupe et de fromage, et ne boivent que de l’eau. Le Dimanche, et surtout les jours de fête publique ou intime : baptême, mariage, ils s’accordent viande de basse-cour, de boucherie, et vin. Les plus vieux se souviennent d’un pain où des pommes de terre étaient mêlées à la farine ; on en faisait même avec du seigle, des fèves, des vesces, et un peu de blé. Leurs gains sont des plus réduits. Ils vivent au jour le jour, cultivateurs du printemps à l’automne, bûcherons de l’automne au printemps. Sur leur masse, moins confuse que sombre, se détachent, avec un étonnant relief, les deux grandes figures de Philippe, avec sa femme et ses enfants auprès de lui, et de la vieille Honorine. Domestique d’abord, puis ayant travaillé pour son propre compte, Philippe, environ la cinquantaine entre au service de Jules Renard. Toute sa vie Honorine a travaillé pour autrui, et elle est morte dans la misère.
Domestique de ferme, jusqu’à son mariage Philippe n’a pas couché dans un lit. (Il peut être utile de préciser qu’âgé aujourd’hui, en 1925, de près de 80 ans, il est né entre 1845 et 1850). Veut-on le voir tout entier ? Qu’on le regarde rire ! " Sa peau cuite fait des plis autour des yeux. On n’est pas sûr qu’il rit. Les yeux tranquillisent par leur gaieté puérile, mais la bouche, qui bâille inutilement, trouble un peu. Quand elle se ferme, la figure de Philippe cesse de vivre. Elle ressemble à une motte de terre dont sa barbe serait l’herbe sèche. " D’autres fois, son rire fait, de loin, le même bruit qu’un sanglot. Il faut connaître le vrai Philippe pour savoir jusqu’à quel point le réalisme lyrique de Renard peut décoller de la réalité brute. Il n’y a pas de doute que ce portrait ne fasse pendant à l’évocation grandiose, que nous devons à Michelet,