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LXIV
PRÉFACE.


de l'église. Le village possède ses animaux familiers : la poule et le coq, la cane et le canard qui porte son bec comme une large barbe au milieu du visage, l’oie de Toulouse, la dinde , la pintade, le pigeon, la chèvre et le bouc, moins fier de sa barbe que de sa taille, parce que la chèvre aussi porte une barbe sous le menton.

L’aspect du paysage varie suivant les saisons. En avril, violettes, primevères des champs ou des jardins, c’est tout. " Les arbres hésitent. La nature sommeille, et tremble comme un chien mouillé. " En été, la route est aveuglante. L’orage éclate, avec sa magnifique collection d’éclairs. Le calme revenu, " la nature rit de s'être fâchée sans motifs et se pardonne. " Pauvre journée d’automne, " grise et courte, comme rognée à ses deux bouts ! " Les arbres perdent leurs feuilles, chacun à sa manière. Avec l’hiver, la neige s’installe u sur le sol comme le linge blanc " dans les armoires. " Les arbres " ont l'air de candélabres qu’une mousseline préserve des oiseaux. Le bonnet du clocher a un pompon qui se dresse, et la croix du village est en bras de chemise. " Si elle n’est pas couverte de neige, la campagne est dégarnie, mais plus verte qu’en octobre, parce que les blés sortent de terre.

La plupart des maisons sont vieilles, couvertes en chaume, sommairement meublées, étroites et humides. Quelques-unes sont propres, y compris leurs cours : tout y reluit. Les autres sont sales. En dehors du bourg, il y a les fermes isolées avec leurs grands bâtiments à tourelle grise, avec leur cour dont les sabots des bêtes et des hommes ont treillissé le sol.

Les hommes sont vêtus d’étoffes usées et rapiécées, chaussés de sabots blancs à peine équarris. Ils vont à la messe en paletots courts sous leurs blouses raides et luisantes. Jeunes ou vieilles, les paysannes ne songent guère à la toilette, mais Dimanches et jours de fête, elles ont