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LXIII
PRÉFACE.


à la fin du XXe siècle. Ses descriptions sont dispersées ? Peu importe : il n'est que de les grouper par la pensée. " Pauvre petite commune ! " a-t-il dit de Chaumot " Mais tant de villages lui ressemblent que, parler de celui-là, c'est parler d’une foule d'autres, ses pareils. "

La campagne s’étale, sillonnée de " traces ", c’est-à-dire de baies, et coupée par la rivière qui, tantôt, déborde, tantôt, rentre dans son lit. Pas d'étangs : une mare avec son eau boueuse où flottent des plumes, des fientes, une feuille de vigne et de la paille. Pas de forêt : un petit bois avec sa source invisible et son étroit chemin qu'on ne peut suivre que d'un pied. Isolés, ou réunis en petits groupes, les arbres sont nombreux. En voici une famille, qui se flattent de leurs longues branches pour s'assurer qu'ils sont tous là, comme les aveugles. Un chêne sérieux, vivace, trapu, est seul au milieu d’un champ. Dans les prairies ourlées de ruisseaux, les peupliers ont été polis, à hauteur d'échines, par les frottements des bœufs. Taureau, vache, poulain puéril, chevaux, cochon, moutons et dindes peuplent prés et " chaumes ". Les bois et les airs, de quelle vie intense et furtive les animent le lièvre et l'écureuil, le coucou et la pie, corbeaux, merles, grives et cailles, l'alouette, la perdrix et la bécasse, toute une jolie population flottante que décime le brutal fusil du chasseur ! A l’autre menu peuple de la rivière, le pêcheur cruel fait la mort dure.

Le village n'a que rues courtes et maisons basses. Dans les ruelles on ne peut rouler une brouette sans se piquer les doigts aux orties. En hiver, on s'étonne de le découvrir si petit. Il est bien isolé, par surcroît ! " Lui seul connaît son nom. D'humbles paysans l'habitent que personne ne vient jamais voir, excepté moi. " Sa vieille église, tranquille et penchée, ressemble à une grange. Le non moins vieux cimetière est mal entretenu ; le nouveau est trop loin