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LVIII
PRÉFACE.


témoigne pas moins d’un esprit singulièrement rétréci. Comme Louis XIV, il continue d’ordonner qu’on enlève de sa vue de petite maîtresse qui a ses nerfs " ces magots " que l’art d’un Téniers ne flatte point, sans doute, mais n’enlaidit pas.

8. Les paysans vus par les prédécesseurs de Renard. — Renard, qui avait horreur du lieu-commun, envoya celui-là, avec d’autres, a la balançoire, et, des " animaux " dont La Bruyère avait parlé avec une ironie apitoyée, il fit des hommes, puisqu’il les appelle " nos frères farouches. "

Là encore, le terrain avait été déblayé par le réalisme tragique de Balzac, et, strict, de Maupassant, ce Balzac du comte, et par le naturalisme de Zola. Il y avait aussi l'idylle à la George Sand, la formule le plus volontiers adoptée par les écrivains dits rustiques : attrayante chez George Sand, elle était, et elle est restée chez eux insupportable par sa fadeur.

Le premier, Balzac s’était libéré de l’absurde carcan d’un classicisme désuet. Il avait compris que l'homme est partout le même, et ses provinciaux font partie intégrante de l’immense famille de la Comédie humaine : ils sont des hommes au même titre que les Parisiens ; mais il est à remarquer que, chez lui, le menu peuple des villes de province, petites ou grandes, ne figure pas, excepté sous le nom de " masses " ou comme fond de décor. Noter cela, c’est situer Balzac. Plus qu’un progrès c’était une révolution que de nous peindre en si vives couleurs, après les pâles entités d’une littérature vidée de substance, un Grandet dans sa " salle ", un Sauviat dans sa boutique de brocanteur. Mais, direz-vous, le voilà, ce menu peuple d’obscurs artisans, sous les espèces de Sauviat ! Il en serait ainsi, en effet, si Balzac, de même que son génie l’empêche