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LVI
PRÉFACE.


droit de France où il est né, où il vit, dont il parle. Tout écrivain digne de ce nom généralise plus ou moins ; tout régionaliste particularise plus ou moins. Le pavillon du régionalisme couvre la pire marchandise : vers vulgairement descriptifs, romans à thèse sur la terre qui agonise, intrigues d'amour d’une désespérante banalité, idylles au clair d’une lune lasse de voir toujours les mêmes.

D’où cela vient-il ? De la centralisation, qui était un fait acquis bien avant la fin de l’Ancien Régime, en partie administrative, d’ordre social et moral surtout, et du mépris où la Cour et la Ville tenaient tout ce qui vivait en dehors d’elles, à quelque distance que ce fut. La province est intégrée dans la littérature du XVIIe siècle qu’à la condition de passer sous les fourches Caudines ; la province, c’est la comtesse d'Escarbaguas et Monsieur de Pourceaugnac, que leurs noms suffisent à situer. La campagne, ce sont les paysans, bons tout au plus à recevoir gifles et coups, et a faire figure de pitres. La province, c’est le hobereau de La Bruyère " inutile à sa patrie, à sa famille et à lui-même, souvent sans toit, sans habits et sans aucun mérite " ; la campagne, ce sont ses " animaux farouches. " Province et campagne, Mascarille les exécute en un tournemain : " Pour moi, je tiens que, hors de Paris, il n’y a point de salut pour les honnêtes gens. " Et Mascarille n’est pas plus mort que Tartuffe : il arrive même que les deux cohabitent dans le même corps.

D’une part, hier, la Cour et la Ville, aujourd’hui, Paris ; d’autre part, aujourd’hui comme hier y la province et la campagne, ramassis de petites gens, de gens de peu, de gens de rien ; d’une part, hier, la Cour et la Ville, laissées de côté toutes les familles de moyenne et de petite bourgeoisie, de commerçants et d’artisans ; d’autre part, aujourd’hui, Paris, c’est-à-dire quelques centaines de