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XLVIII
PRÉFACE.


s’agisse du menu détail psychologique où s'affirme la maîtrise de Tristan Bernard, ou, descriptif, de Jules Renard.

De deux levers de lune de Chateaubriand et de Flaubert j'ai rapproché, jadis, un lever de lune de Renard. A cinquante années de distance l'un de l’autre, les différences en sont significatives.

Vers 1800, Chateaubriand : " La lune se montra au-dessus des arbres, à l’horizon opposé... Sa lumière gris de perle descendait sur la cime indéterminée des forêts ". Vers 1850, Flaubert ; " La lune, toute ronde et couleur de pourpre, se levait a ras de terre, au fond de la prairie. Elle montait vite entre les branches des peupliers qui la cachaient de place en place comme un rideau noir, troué ". Vers 1900, Renard : " La lune se lève... Elle monte, légère, parmi les arbres. Ils vont la toucher du bout de leurs pointes, raccrocher au passage. Mais elle glisse, leur échappe et verse devant elle, pour annoncer sa venue, une lueur claire comme un flot de petit lait " .

Après les grandes lignes du romantisme et le large détail du réalisme, le menu détail du contre-réalisme : le bout de leurs pointes ". Une partie du secret des images de Renard est là. Et le réalisme quotidien, le naturalisme, si l’on préfère, mais relevé par l’humorisme, trouve encore son compte dans le " flot de petit lait. "

Humoriste, lyrique et réaliste, il a des images de trois sortes.

L’humoriste nous montre " les vieux rochers qui, lorsque le flot monte, se couvrent d’écume, pères de " famille vénérables, mais ivres, qui renverseraient, en buvant, de la mousse de Champagne dans leur barbe.

Reprenant la suite de des Esseintes qui, à la nature, préfère l'artifice, il exprimera l’une par l’autre ; et ce sont