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XLIII
PRÉFACE.


sur la bonne voie, et cela me suffit. Je me sens comme un voyageur dans une contrée étrangère ; il sait qu’il suit la direction qui le mènera où il doit aller, mais chaque détail du chemin est pour lui une nouveauté et une découverte. " II disait encore ; " Je me moque d’une idée directrice, d’un problème moral, des nuages métaphysiques, comme de noisettes creuses. Je préfère au beau livre la belle page, et à la belle page la belle phrase.

N’est-il donc pas possible, maintenant, de définir, en une brève formule, son originalité ? Dire qu’il fut lui-même serait singulièrement expéditif. Poètes en prose, d’autres que lui le furent, mais Je ne connais pas d’humoriste chez qui ait coexisté le talent du mot qui fait sourire et de l’image qui peint. Peintres en littérature, ou dessinateurs, d’autres que lui le furent, mais Je ne connais pas de réaliste pur, ni, surtout, de naturaliste, qui n’ait été victime du paysage. Humoriste et lyrique, réaliste qui domine son sujet parce qu’il y a en lui une part de symbolisme, sa personnalité résiste aux émotions qui lui viennent du dehors et de son âme, quitte à les accueillir enfin pour les marquer à son sceau.

Il me fait penser à son " rouge fruit du rosier sauvage " qui se défend, et qui " mourra le dernier parce qu’il a un nom rébarbatif et du poil plein le cœur. "

4. Réalisme, humorisme et lyrisme. — C'est, de toute évidence, leur mélange qui donne à ses chefs-d’œuvre cette saveur unique, variable, d’ailleurs, selon que prédomine l’un ou l’autre de ces trois éléments.

Prenons les trois beaux chapitres que sont, dans l’Ecornifleur, Jamais au niveau de la mer, dans Poil de Carotte, la Tempête de feuilles, dans Nos frères farouches, Feuilles d’automne.