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XL
PRÉFACE.


aimée pour que ne se soient pas imposés à son choix les mots qui font image et ceux, décisifs, qui fixent la plus fugitive émotion.

Ah ! cette fois, nous y sommes ; c’est un lyrique ! Vous vous trompez encore. N’attendez pas de lui ces apostrophes éperdues aux forces de la nature, aux puissances du ciel, à la femme perfide, source de toutes joies et de toutes douleurs. Le poète lyrique n’hésite point à se frapper à cœur, où est le génie. Il plane entre ciel et terre, plus près de celui-là que de celle-ci. Rien de cela dans l’œuvre de Renard. Rappelons-nous les deux Mme Vemet, même celle de Monsieur Vernet , les deux Blanche de la Maîtresse et du Plaisir de Rompre, Marthe, du Pain de Ménage. Mais, lyrique, il l'est à sa manière, si l'on entend par là qu'il ait fini par se laisser émouvoir par la souffrance humaine et par la beauté souvent mélancolique des paysages.

Du moins, son acuité visuelle fit-elle de lui un peintre, et, plus spécialement, un impressionniste ? Autre erreur ! Peintres, on peut dire que le furent, à des degrés infiniment divers et nuancés, tous les réalistes et tous les impressionnistes, sans préjudice des romantiques : Chateaubriand, Hugo, Lamartine, Balzac, Flaubert, Zola, Huysmans, et combien d’autres ! Manet disait à Jean Béraud : " On ne fait pas un paysage, une marine. On fait l’impression d’une heure de la journée dans un paysage, dans une marine, sur une figure. " Et notons que ce besoin de particularisation à outrance était commun au symbolisme et au naturalisme. Impressionniste, Francis Jammes le fut merveilleusement et plus que tout autre, lui qui, selon ses dispositions d'âme, vit tour à tour le torrent bleu ou noir, le buis noir ou bleu, l’aile bleue des midis écartâtes ou l’ombre noire de midi. En principe, l'épithète picturale ne se rencontre pas chez Renard. Il est moins frappé par