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APPENDICE


et la vieille la soupe commune, le vieux s'adjugeant le vin, la vieille s'étouffant de pommes de terre, ce drame est installé implacablement par un metteur en scène d’humanité de premier ordre.

Sous ce titre : Les Petites Bruyères, croissent en toute liberté des pensées fines, amères ou paradoxales, dures comme des herbes sèches, épineuses comme des ronces, amères comme chiendent. Les femmes en général, les femmes de lettres en particulier, subissent là un accès de misanthropie, un jugement dénué de bienveillance. Le monde est représenté aussi de façon à donner envie de rester à jamais chez soi. Il est d’autres parties du livre où une critique éplucheuse pourrait épiloguer, signaler du puéril. Mieux vaut garder son contentement d’avoir fait connaissance avec un esprit, avec un écrivain qui vaut par tant de petits morceaux parfaits, par le pouvoir de s’exprimer en phrases ténues, en mots clairs et brefs, que par un nouvel humour français et d’aujourd’hui.

Cette chronique est importante par la date à laquelle elle fut imprimée — 6 février 1891 — , mais elle l'est davantage par le nom de son auteur qui n’est autre que M. Gustave Geffroy.

La Revue de Littérature Moderne du 11 mars suivant publie un long article d’Alcide Guérin où il est dit :

Je vous assure que Monsieur Renard est quelqu’un. Il y a dans son livre assez d’observation, assez de gaité, assez d’amertume, assez d’ironie, assez de style, pour que, l’ayant lu, ce bout de livre qui fait si peu son pédant de livre, on se décide à le placer dans un bon coin de la bibliothèque, en compagnie de ceux — trop peu nombreux, hélas ! — qui ont fait penser en faisant rire et qu’on n’a pas juré de ne jamais revoir. Quelques nouvelles, de courtes études, des maximes paradoxales, d’une drôlerie parfois féroce, voilà, certes, qui ne pèse pas bien lourd et c’est, en somme, tout le volume. Mais comme M. Renard a bien vu jusqu’au fond des choses dont il parle et des bonshommes qu’il fait agir, et qu’il sait donc conter, de façon légère et française !

Nous serions sans excuse de ne pas publier un assez long article paru dans la France Moderne, jeune revue marseillaise, très combattive, numéro du 16 au 29 avril 1891. Il n’étonnera personne que les lignes suivantes, très évocatrices du milieu dans lequel évoluait Jules Renard, soient signées du nom de Jean Lombard :

Jules Renard appartient à la génération de ces écrivains jeunes que tout achemine vers le succès : la poussée naturelle de leurs œuvres, et aussi le goût du public qui va sûrement et quoi qu’on dise vers les réels talents. Dire cependant que Jules Renard est sur la grande voie de la Renommée, serait trop affirmer : notre écrivain est plutôt classé parmi ceux que demain saluera, ce qui est beaucoup déjà.