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APPENDICE


raison d’accepter le parrainage du jeune auteur ; car il me semble que c'est un de ceux qui nous étonneront dans un délai prochain. A l'apparition de son roman, lequel servira de départ à sa carrière, vous me direz si j'ai été bon prophète. Sa première brochure est même trop littéraire si je puis m'exprimer ainsi, sa forme est trop soignée et son esprit trop spécial pour que le public en coupe les feuilles " .

Puis c’est dans le Gil Blas du 28 novembre que Paul Gisnisty en parle : on peut dire que la critique va démarrer ; ainsi que s’exprimait Maupassant :

Je ne connaissais pas le nom de M. Jules Renard. Il donne, dans ses Sourires Pinces, une note d'ironie assez curieuse. Ce sont là des tableaux de la vie je ne dirai pas : féroces, on a abusé du mot, tout le monde veut être " féroce " aujourd’hui ! où la raillerie se mêle de pitié. Il y a là, surtout une physionomie typique, celle d’un enfant, toujours contrecarré, vexé, humilié, sous les apparences de l'affection maternelle. Son bon sens, sa droiture, ses instincts de justice sont constamment blessés ; ses parents lui imposent leurs goûts et leurs dégoûts, révoltent inconsciemment sans cesse sa petite âme neuve, et c’est tout naturellement qu’il est conduit, un jour, à exhaler très doucement cette réflexion, comme s'il rêvait à un impossible idéal : — " Tout le monde ne peut pas être orphelin ! "

Dans Paris-Revue du 29 novembre, Marc Legrand donne cette note :

" L’ironie aux lèvres minces a dicté à M. Jules Renard ce volume de prose — petit de format, mais non de talent. Tout curieux de lettres voudra lire ces nouvelles d’un style aigu (Les infortunes de Poil de Carotte, La Demande, Le Ciel de Lit, etc...), ces courts poèmes de prose, si fins et si frais, et enfin ces pensées détachées... de tout préjugé et dignes d’un La Rochefoucauld qui serait Gende-lettre. Et il fermera le livre avec la conviction qu’une très réelle personnalité s'affirme chez ce jeune écrivain qui, avec un égal scrupule, observe autrui et s'observe lui-même" .

La Plume du Ier décembre lui consacre un entrefilet qui, répète dans plusieurs numéros successifs fait long feu dans les cénacles :

Chez Lemerre. Sourires Pincés : études et maximes de Jules Renard (3 f.). Livre plein d’observation cruelle que l'on ne peut ouvrir sans aller jusqu’au bout et que l'on referme avec du noir plein l’âme ".

Mais l’effet en est peut-être moins sûr que le grand article que M. Alfred Vallette publie dans le numéro du Mercure de