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JULES RENARD


VII


Dans la journée, elle faisait des recherches et allait, effrontée, de porte en porte, par tout le village, questionner les filles.

— C’est-il toi qui veux les bœufs ?

Si la fille rougissait, sans oser comprendre, la Griotte précisait :

— Je te demande si c’est toi qui veux les bœufs avec mon Pierre !

L’une lui rit au nez, l’autre la remit vertement à sa place. Une troisième la menaça même de lui faire envoyer du papier par M. le Juge de paix.

Elle ne put rien savoir et désespéra de jamais connaître la vérité, de plus en plus haineuse contre la rouleuse inconnue qui lui volait l’amitié de son enfant. Comme Leroc n’agissait pas, ne faisait aucune observation, en apparence désintéressé, elle l’aiguillonna, vexée toutefois de n’avoir point réussi toute seule.

— Il faudrait pourtant t’y mettre, Leroc, et que ça finisse, cette histoire !

— Ah ! tu te rends, dit Leroc avec dédain ; ce n’est pas dommage. T’a-t-il assez roulée, le petit que je ne sais pas prendre. Oh ! tu en es encore une drue, toi, de femme ! Enfin, tu y renonces ; c’est bon : à mon tour !

Il s’expliqua nettement avec Pierre.

— Ou tu te coucheras ce soir tout de suite après la soupe, ou je te ferai ton affaire ce soir même.

Sa voix était si ferme, son attitude si énergique, que les deux sœurs s’agitèrent, effarées, et leurs quatre yeux se déplacèrent vivement, dans tous les