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Baucis et Philémon

à Léon Riotor


I


Le vieux dit :

— Bique, qu’est-ce que nous allons devenir, maintenant ?

— Mais, répondit la vieille avec une douceur pateline, n’avons-nous plus le sou ?

— Ne le sais-tu pas ? reprit le vieux au teint de coquelicot fané. Mange-t-on de la viande sans la payer, et se larde-t-on pour rien ? Non, nous n’avons plus le sou.

C’était vrai. Le vieux avait mal fait ses calculs.

Il s’était dit :

" Les cinq mille francs que j’ai économisés comme tâcheron, au lieu de les placer, ce qui serait bête, puisque je n’ai pas d’enfants, je veux les partager en dix parts. Mettons que j’aie encore dix ans à vivre ; c’est tout le bout du monde. Avec cinq cent francs par an nous serons princes. Et puis, ma vieille bique mourra avant moi, pour sûr, et, si elle meurt après, tant pis pour elle ! "