Page:Renard Oeuvres completes 1 Bernouard.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée
223
JULES RENARD


Directeur à la première occasion, c’est-à-dire enfler les joues et imiter avec les lèvres le vol des bourdons pour marquer leur mécontentement. Quelque jour, ils n’y manqueraient pas. En attendant, ils s’attristèrent les uns les autres. Violone, qui se sentait regretté, eut la coquetterie de partir pendant une récréation. Quant il parut dans la cour, suivi d’un garçon qui portait sa malle, tous les petits s’élancèrent. Il serrait des mains, tapotait des visages, et s’efforçait d’arracher les pans de sa redingote sans les déchirer, cerné, envahi, et souriant, ému. Les uns, suspendus à la barre fixe, s’arrêtaient au milieu d’un renversement et sautaient à terre, la bouche ouverte, le front en sueur, leurs manches de chemise retroussées et les doigts écartés : car enduits de colophane ils s’engluaient au premier rapprochement. D’autres, plus calmes, qui tournaient monotonement dans la cour, agitaient les mains, en signe d’adieu. Le garçon, courbé sous la malle, s’était arrêté afin de conserver ses distances, ce dont profita un tout petit pour plaquer sur son tablier bien blanc ses cinq doigts trempés dans du sable mouillé. Les joues de Marseau s’étaient rosées à paraître peintes. Il éprouvait sa première peine de cœur sérieuse ; mais, troublé et contraint de s’avouer qu’il regrettait le maître d’étude un peu comme une petite cousine, il se tenait à l’écart, inquiet, presque honteux. Sans embarras, Violone allait à lui quand on entendit un fracas de carreaux. Tous les regards montèrent vers la petite fenêtre grillée du séquestre. La vilaine et sauvage tête de Véringue parut. Il grimaçait, blême petite bête mauvaise en cage, les cheveux dans les yeux et ses dents blanches toutes à l’air. Il passa sa main droite entre les débris de la