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SOURIRES PINCÉS


pareils à des cordages autour d’une colonne. Il mangeait visiblement trop, cet homme ; ses traits étaient gros et toujours un peu luisants. Il parlait fortement, même aux dames, et les plis de son cou ondulaient sur son col fripé d’une manière lente et rythmique. Il était encore remarquable pour la rondeur de ses yeux et l’épaisseur de ses moustaches.

Véringue se tenait debout devant lui, sa casquette entre les jambes afin de garder toute sa liberté d’action.

D’une voix terrible, le Directeur demanda :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Monsieur, c’est le maître d’étude qui m’envoie vous dire que j’ai les mains sales, mais c’est pas vrai !

Et, de nouveau, consciencieusement, Véringue montra ses mains en les retournant : d’abord le dos, ensuite la paume. Il fit même la preuve : d’abord la paume, ensuite le dos.

— Ah ! c’est pas vrai ? dit le Directeur. Quatre jours de séquestre, mon petit !

— Monsieur, dit Véringue, le maître d’étude, il m’en veut !

— Ah ! il t’en veut ? Huit jours, mon petit !

Véringue connaissait son homme. Une telle douceur ne le surprit point. Il était bien décidé à tout affronter. Il prit une pose raide, serra ses jambes et s’enhardit, au mépris d’une gifle. Car c’était, chez Monsieur le Directeur, une innocente manie d’abattre, de temps en temps, un élève récalcitrant du revers de la main : vlan ! L’habileté pour l’élève visé consistait à prévoir le coup et à se baisser, et le Directeur se déséquilibrait, au rire étouffé de tous. Mais il ne recommençait pas, sa