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SOURIRES PINCÉS


semblable en écoutant aux portes, en collant son œil à la serrure, avec le désir d’en agrandir le trou et d’attirer à lui, comme avec un crampon, ce qu’il voulait voir. Cependant, il l’aurait parié, Violone répétait encore :

— Oui, mon affection est pure, pure, et c’est ce que ce petit imbécile ne comprend pas !

Enfin le maître d’étude se pencha avec la douceur d’une ombre sur le front de Marseau, l’embrassa en le caressant de sa barbiche comme d’un pinceau, puis se redressa pour s’en aller, et Véringue le suivit des yeux glissant entre les rangées de lits. Quand la main de Violone frôlait un traversin, le dormeur dérangé changeait de côté avec un fort soupir.

Véringue guetta longtemps. Il craignait un nouveau retour brusque de Violone. Déjà Marseau faisait la boule dans son lit, la couverture sur ses yeux, bien éveillé, d’ailleurs, et tout au souvenir de l’aventure dont il ne savait que penser. Il n’y voyait rien de vilain qui pût le tourmenter, et cependant, dans la nuit des draps, l’image de Violone flottait lumineusement, étrange et douce comme ces images de femmes qui l’avaient échauffé en plus d’un rêve.

Véringue se lassa d’attendre. Ses paupières, comme aimantées, se rapprochaient. Il s’imposa de fixer le gaz, presque éteint ; mais, après avoir compté trois éclosions de petites bulles crépitantes et pressées de sortir du bec, il s’endormit.


III


Le lendemain matin, au lavabo, tandis que les cornes des serviettes, trempées dans un peu d’eau froide, frottaient légèrement les pommettes fri-