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SOURIRES PINCÉS

Véringue, son voisin de lit, le jalousait entre tous, sorte de petit pierrot lymphatique et grêle, au visage farineux, qui se pinçait vainement, à se faire mal, son épiderme exsangue, pour y amener quoi ! et encore, pas toujours, quelque point d’un roux douteux. Il eût volontiers zébré haineusement à coups d’ongles et écorcé comme des oranges les joues vermillonnées de Marseau.

Depuis longtemps très intrigué, il se tint aux écoutes, ce soir-là, dès la venue de Violone, soupçonneux avec raison peut-être et désireux de savoir la vérité sur les allures cachottières du maître d’étude. Il mit en jeu toute son habileté de petit espion, simula un ronflement pour rire, changea avec affectation de côté, en ayant soin de faire le tour complet, poussa un cri perçant (car chacun, n’est-ce pas ? a le droit d’avoir son cauchemar), ce qui réveilla en peur le dortoir et imprima un fort mouvement de houle à tous les draps ; puis, dès que Violone se fut éloigné, il dit à Marseau, le torse hors du lit, le souffle ardent :

— Pistolet ! Pistolet !

Il ne lui fut rien répondu. Véringue se mit sur les genoux, saisit le drap de Marseau, et, le secouant avec force :

— Entends-tu ? Pistolet !

Pistolet ne semblant pas entendre, Véringue exaspéré reprit :

— C’est du propre !... Tu crois que je ne vous ai pas vus. Dis voir un peu qu’il ne t’a pas embrassé ? dis-le voir un peu que tu n’es pas son pistolet ?

Il se dressait, le col tendu, pareil à un jars blanc qu’on agace, les poings fermés au bord du lit.