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JULES RENARD


aux prises avec une difficulté inattendue. Il s’agissait de la tourner avec tranquillité et prudence, comme un arbre qui, déraciné par le vent, barre la route. M. Repin se leva également et commença une promenade à l’exemple de M. Gaillardon, mais en sens opposé. Au troisième croisement :

— Monsieur, dit-il, je ne vous dirai pas que je suis surpris : je suis étonné, profondément étonné, mais, après tout, rien n’eSt fait, et, du moment que vous reprenez votre parole, nous vous la rendons. Il était presque distingué, ayant parlé, un jour, en personne, au préfet, et la gravité du cas lui faisait trouver des phrases correctes.

— Oh ! je ne réclame rien, dit M. Gaillardon en frappant l’air de son bras comme d’un fouet. C’est fait, c’est fait, tant pis pour moi !

Tout à coup on entendit des sanglots, et Henriette en larmes, les mains sur les yeux pour cacher son visage, dit, convulsée :

— Mais, je ne tiens pas tant que cela à me marier, moi ; s’il aime mieux ma sœur, qu’il prenne ma sœur.

— Ça, jamais ! déclara M. Repin. j’ai toujours dit que tu te marierais la première, la première tu te marieras.

Mme Repin semblait aussi opiniâtre, mais Henriette vint embrasser son père et lui dit :

— Je t’assure, mon papa, que j’ai bien le temps de me marier.

— Bien le temps. Mais tu ne sais donc pas que tu as vingt-cinq ans, presque vingt-six !

— Si, si, mais, vois-tu, j’aime mieux attendre encore un petit peu.

Elle le suppliait, pleurante, avec des hoquets,