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SOURIRES PINCÉS


— Donnez-donc, donnez donc ! il dut le poser sur une chaise.

Il aimait les plats cuits à point et plut tout de suite à M. Repin, Tous les deux étaient à peu près également chauves, mais, grâce à sa barbe blanche et longue, M. Repin l’emportait en autorité sur son futur gendre. D’ailleurs, il parlait haut, un peu fier d’avoir un domicile. Ils causèrent bœufs longuement, et tombèrent d’accord, au bout de mutuelles concessions, qu’il faut qu’un bœuf vendu paie son entrais à raison de un franc par jour ; et encore, ce n’est pas beau ! On fait ses frais, voilà tout.

Au dessert, quand il trouva un moment pour faire tourner ses pouces sur son ventre, M. Gaillardon se hasarda à regarder Mlle Marie. Sans doute, il n’osait pas regarder tout d’abord et franchement, comme un effronté, Mlle Henriette.

Il s’essayait et prenait du courage avec la jeune sœur.

Du moins, cela parut évident à tous.

Henriette le comprit si nettement qu’elle baissa les yeux de confiance. Le regard n’allait pas à elle, mais il était pour elle. Au contraire, Marie, n’étant point en cause, ne jugeait pas convenable de s’intimider, et la tête haute, œil pour œil, elle dévisageait M. Gaillardon, ce qui achevait de le troubler.

Bien entendu, et conformément aux habitudes prudentes de gens qui n’abordent que le plus tard possible les sujets graves, il ne fut pas question de mariage ce jour-là.

Un autre dimanche passa, et rien ne se conclut. Mme Repin s’impatientait. Il est bon de prendre des précautions, jusqu’à un certain point, toutefois.

Outre qu’on ne déjeune pas poux rien à la campagne,