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JULES RENARD


M. Repin répondit :

— Gaillardon en prend une !

— Une poule ?

— Fais-donc la niaise : une de nos filles. Il vient déjeuner dimanche.

Dès que ces demoiselles apprirent la nouvelle, Marie, la plus jeune, embrassa d’une façon turbulente sa grande sœur :

— Tant mieux, mon Henriette, tant mieux ! Elle était heureuse du bonheur de son aînée d’abord, et un peu pour elle, car M. Repin avait toujours dit, presque en chantonnant :

— Quand deux filles sont à marier, c’est l’aînée qui va devant, la cadette suit derrière !

Or, Henriette n’avançait pas vite, et Marie songeait que si elle ne se mettait pas en tête, on n’arriverait jamais, peut-être. On disait d’Henriette, au premier coup d’œil :

— C’est une oie !

— Oui, mais elle n’est pas méchante.

— Il ne manquerait plus que cela !

En outre, elle était trop grande. Sa taille effrayante intimidait les hommes. Elle était aussi trop rouge et, la figure couverte de taches ardentes, elle faisait à toute heure l’effet de s’être barbouillée en gavant, avec du son délayé, des volailles de concours. Elle avait vingt-cinq ans. M. Gaillardon était un fermier des environs, très à l'aise et déjà en pleine maturité. Henriette n’avait pas à faire d’objection. Du reste, elle n’en cherchait point ; mais, effarouchée et gauche, elle n’osait accepter avec une joie bruyante un bonheur qui pouvait encore lui échapper et qu’elle n’attendait plus, Marie, le jolie brune au teint blanc, avait beau lui dire :