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JULES RENARD


VII


La Trompette


M. Lepic arrive de Paris ce matin même. Il ouvre sa malle. Des cadeaux en sortent pour grand frère Félix et sœur Ernestine, de beaux cadeaux, dont précisément (comme c’est drôle !) ils ont rêvé toute la nuit. Ensuite M. Lepic, les mains derrière son dos, regarde malignement Poil-de-Carotte et lui dit :

— Et toi, qu’est-ce que tu aimes le mieux : une trompette ou un pistolet ?

En vérité, Poil-de-Carotte e£t plutôt prudent que téméraire. Il préférerait une trompette, parce que " ça ne part pas dans les mains ", mais il a toujours entendu dire qu’un garçon de sa taille ne peut jouer sérieusement qu’avec des armes, des sabres, des engins de guerre. L’âge lui e£t venu de renifler de la poudre et d’exterminer des choses. Son père connaît les enfants : il a apporté ce qu’il faut.

— J’aime mieux un pistolet, dit-il hardiment, sûr de deviner.

Il va même un peu loin et ajoute :

— Ce n’est plus la peine de le cacher ; je le vois !

— Ah ! dit M, Lepic embarrassé, tu aimes mieux un pistolet ! Tu as donc bien changé ? Tout de suite Poil-de-Carotte se reprend :

— Mais non, va, mon papa, c’était pour rire. Sois tranquille, je les déteste, les pistolets. Donne-