Il se pose des questions :
— Quand faudra-t-il ôter ma casquette ? Lequel des deux embrasser le premier ?
Mais grand frère Félix et sœur Ernestine Pont devancé et se partagent les caresses familiales. Quand Poil-de-Carotte arrive, il n’en reste presque plus.
— Comment ! dit M me Lepic, Tu appelles encore monsieur Lepic papa, à ton âge ? Dis-lui : " mon père " et donne-lui une poignée de main : c’est plus viril.
Ensuite elle le baise, une fois, au front, " pour ne pas faire de jaloux. "
Poil-de-Carotte est tellement content de se voir en vacances qu’il en pleure. Et c’e£t souvent ainsi ; souvent il manifeste de travers.
Le jour de la rentrée (la rentrée est fixée au lundi matin, 2 octobre ; on commencera par la messe du Saint-Esprit), du plus loin qu’elle entend les grelots de la diligence, Mme Lepic tombe sur ses enfants et les étreint d’une seule brassée. Poil-de-Carotte ne se trouve pas dedans. Il espère patiemment son tour, la main déjà tendue vers les courroies de l’impériale, ses adieux tout prêts, à ce point triste qu’il chantonne malgré lui.
— Au revoir, ma mère, dit-il d’un air digne.
— Tiens, dit Mme Lepic, pour qui te prends-tu, pierrot ? Il t’en coûterait de m’appeler maman, comme tout le monde ? A-t-on jamais vu ? c’est encore blanc de bec et sale de nez, et ça veut faire l’original !
Cependant elle le baise une fois (et de deux !) au front, " pour ne pas faire de jaloux. "