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SOURIRES PINCÉS


chargé d’achever les pièces blessées. Il devait ce privilège à la dureté bien connue de son cœur sec. Les deux perdrix s’agitèrent, remuèrent le col.

— Qu’est-ce que tu attends pour les tuer ? dit Mme Lepic.

— Maman, répondit Poil-de-Carotte, j’aimerais autant les marquer sur l’ardoise, à mon tour.

— L’ardoise est trop haute pour toi.

— Alors, j’aimerais autant les plumer.

— Ce n’est pas l’affaire des hommes.

Poil-de-Carotte prit les deux perdrix. On lui donna obligeamment les indications d’usage :

— Serre-les là, tu sais bien, au cou, à rebrousse-plume.

Une pièce dans chaque main, derrière son dos, il commença.

— Deux à la fois, mâtin ! dit M. Lepic.

— C’est pour aller plus vite.

— Ne fais donc pas ta sensitive, dit Mme Lepic ; en dedans, tu jouis.

Les perdrix se défendirent, convulsives, et, les ailes battantes, éparpillèrent leurs plumes. Jamais elles ne voudraient mourir. Il eût plus aisément étranglé un de ses camarades, avec une poignée de main. Il les mit entre ses deux genoux, pour les contenir, et, tantôt rouge, tantôt blanc, en sueur, la tête haute afin de ne rien voir, serra plus fort.

Elles s’obstinaient.

Pris de la rage d’en finir, il les saisit par les pattes et leur cogna la tête sur le bout de son soulier.

— Oh ! le bourreau ! le bourreau ! s’écrièrent grand frère Félix et sœur Ernestine.

— Le fait est qu’il quintessencie, dit Mme Lepic, souvent portée sur le bien-parler. Les pauvres