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Une vieille femme en haillons, courbée sous une besace de pain, leur cria :

— Je vous souhaite ben de l’agrément.

Yvon avait, comme un berger d’opérette, des sabots de bois blanc d’où sortaient des brins de paille, une culotte courte et, sur sa chemise, une peau de mouton dont les deux pattes de devant se nouaient autour du cou.

Yvone, en corset, portait une jupe à grandes raies rouges sur fond bleu. Ils se poussaient et se bousculaient, comme ivres, et Yvone l’était un peu de tout le plaisir qu’elle se promettait au carnage des oiseaux.

Exubérante, pleine de santé, elle parlait et riait avec tapage.

Toute la campagne éclatait comme une peinture fraîche, avec des horizons d’odeurs. Des deux côtés du chemin les mûres rouges saignaient ; les cenelles rouges saluaient ; les gratte-cul rouges haussaient la tête ; les prunelles, encore vertes, couraient, éparses comme des perles de colliers brisés. Yvone, animée, avait grande hâte d’arriver et s’imaginait des rangs serrés d’oiseaux perchés sur les branches, endormis, la tête sous l’aile, tout exprès pour un petit massacre amusant.

— Toc ! — quelque chose de blanc, une gouttelette coulait de leur tête, et ils roulaient dans le tablier grand ouvert, l’un après l’autre, sans un cri, les pattes raidies.

On les enfilerait, puis on reviendrait tout enrubannés, comme des bohémiens en parade.

Du bout de sa baguette, elle abattait des fleurs pour se faire la main.

— Tu pourras choisir, dit Yvon.