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— Jac a douze ans, dit-elle.

Mme la Comtesse dit :

— C’est comme Marthe.

Le marié fut fier de la coïncidence.

Il fit défiler tous ses parents, qu’il nommait en faisant sonner les prénoms plus fortement que les noms dont il n’était pas sûr. Chacun d’eux, à sa présentation, avait un hochement de tête embarrassé, ébauchait un sourire contraint. Ils reprenaient lentement leur aplomb, comme des mannequins ébranlés par des boules. Mme la Comtesse trouvait pour tous une phrase mesurée.

Le marié offrit quelque chose. Elle accepta une bouchée de brioche dans un rien de vin rouge. Elle suçait du bout des lèvres en se cabrant, les doigts écartés, avec de délicates précautions. Les paysans la regardaient, silencieux, émerveillés, les coudes sur la table, les yeux humides, le visage coloré, vermeil. L’un d’eux, qui s’était oublié à parler bas, s’arrêta net, inquiet, comme s’il venait de faire un mauvais coup.

Cependant Marthe observait Jac. Tout son petit corps avait un mouvement de recul. Jac s’approchait de plus en plus. Sa crainte se dissipait. Il la toucha du bout des doigts, légèrement, de peur de la faner, elle et sa robe rose.

Il n’avait jamais vu de petite fille aussi raide et aussi bien mise, avec une telle blancheur et des cheveux bouclés de la sorte. Il tournait autour d’elle, muet, attentif, car, sans doute, elle allait parler. Marthe faisait retraite vers sa mère, grave, sans le quitter des yeux.

Mme la Comtesse avait posé son verre sur la table et effleuré ses lèvres du coin d’un mouchoir