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dans un tourbillon qu’il coupa et se laissa prendre par le courant comme par un bras flexible.

Moru le suivait, frappant des mains et du pied.

— Où diable irait-il ?

— Quelle farce ! Tu ne t’en vanteras pas de celle-là, hein ?

Il lui cria :

— Bon voyage !

Il lui hurla :

— Bonne nuit ! Tu leur-z-y diras bien des choses. Puis il jeta sur son épaule les vêtements du curé Benoit, roulés en ballot au bout de l’ombrelle blanche et il s’en alla à travers la campagne, sous les grands arbres, riant et chantant d’une voix forte.

Le bachot, loin des deux rives, descendait sans bruit, frêle, avec de légères oscillations.

Il suivait le fil de la rivière, sur les herbes d’eau douce qui pliaient, pareilles à des chevelures de noyés, comme on se courbe au passage d’une reine ou d’un convoi, et la lune levée haute dans le ciel, au milieu d’un cortège d’étoiles, le baignait d’une lumière blonde et le regardait glisser d’un air pâle.