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— Ma foi, tant pis pour eux ! Je vas me coucher, vous permettez ?

— Ça ne me fait rien, dit la Collard.

La Rollet en un instant fut en chemise, grimpa sur la chaise, puis sur le lit, montrant ses jambes maigres et battantes. La Collard plaisanta, mais, au fond, elle commençait à se désespérer : son homme n’arrivait pas. Elle répétait, impatiente : “ Seigneur Dieu, qu’est-ce qu’ils font donc ? ”

— Si j’étais vous, dit la Rollet, qui nouait son mouchoir à carreaux autour de sa tête, je ferais comme moi ; ils ne reviendront pas, bien sûr, ils dorment sur les tables de l’auberge. Je connais mon homme, il aura entraîné le vôtre à boire.

— C’est plutôt le mien qui aura entraîné le vôtre,

— À telle enseigne qu’ils sont tous les mêmes ; allez, venez donc !

La Collard riait, refusait.

— Si vous avez peur qu’ils reviennent, ne quittez pas votre jupe : vous serez tout de suite rhabillée.

La Collard pesait les paroles.

— C’est vrai qu’ils sont longs ; je ne peux pourtant pas passer la nuit comme ça, sur une chaise.

Et, brusquement, elle posa son cabas, ses savates, son caraco, noua son bonnet plus serré, escalada le lit et se glissa du côté de la ruelle.

— J’aime mieux le coin, dit-elle.

— Ah ! qu’à cela ne tienne, je vous le cède.

Elles riaient de bon cœur, toutes les deux ragaillardies, et le bavardage reprit sur la Dame blanche, sur les revenants. La Rollet n’y croyait pas, elle avait bien plus peur des puces. Heureusement, elle connaissait le moyen de s’en débarrasser, comme les renards.