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JULES RENARD




Tristesse

Ce soir il court dans l’air des tristesses plus douces.

Le cœur, comme endormi dans un bain, s’affadit ;

On ne se souvient plus de tout ce qu’Elle a dit,

Et l’oubli sur l’amour met lentement ses mousses.


Tout va-t-il donc finir, ce soir, autour de nous ?

Sur les parfums chauffés brûlant comme des flammes,

Sur les fleurs qu’on est las d’arroser, sur les femmes,

Qu’est-ce qu’on pourrait bien écrire de très doux ?


L’esprit humilié voit partout des idoles.

On voudrait faire un choix de suaves paroles.

Mais en vain, pour qu’à Taise ils s’y posent en tas,


La rêverie aux mots s’offre comme une branche.

On pleure bien un peu, mais le vers ne vient pas,

Et la première page, humide, reste blanche.