Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils convinrent qu’ils devaient bourdonner le Directeur à la première occasion, c’est-à-dire enfler les joues et imiter avec les lèvres le vol des bourdons pour marquer leur mécontentement. Quelque jour, ils n’y manqueraient pas. En attendant ils s’attristèrent les uns les autres. Violone, qui se sentait regretté, eut la coquetterie de partir pendant une récréation. Quand il parut dans la cour, suivi d’un garçon qui portait sa malle, tous les petits s’élancèrent. Il serrait des mains, tapotait des visages, et s’efforçait d’arracher les pans de sa redingote sans les déchirer, cerné, envahi, et souriant, ému. Les uns, suspendus à la barre fixe, s’arrêtaient au milieu d’un renversement et sautaient à terre, la bouche ouverte, le front en sueur, leurs manches de chemise retroussées et les doigts écartés : car enduits de colophane ils s’engluaient au premier rapprochement. D’autres, plus calmes, qui tournaient monotonement dans la cour, agitaient les mains, en signe d’adieu. Le garçon, courbé sous la malle, s’était arrêté afin de conserver ses distances, ce dont profita un tout petit pour plaquer sur son tablier bien blanc ses cinq doigts trempés dans du sable mouillé. Les joues de Marseau s’étaient rosées à paraître peintes. Il