Page:Renard - Sourires pincés, 1890.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était sourd, continu, agaçant à la fin, et il semblait vraiment que tous ces babils, invisibles et remuants comme des souris, étaient occupés à grignoter du silence.

Violone mit des savates, se promena quelque temps entre les lits, chatouillant çà le pied d’un élève, là tirant le pompon du bonnet d’un autre, et s’arrêta près de Marseau, avec lequel il donnait, tous les soirs, l’exemple des longues causeries prolongées bien avant dans la nuit. Le plus souvent, les élèves avaient cessé leur conversation, par degrés étouffée, comme s’ils eussent peu à peu tiré leur drap sur leur bouche, et dormaient, que le maître d’étude était encore penché sur le lit de Marseau, les coudes durement appuyés sur le fer, insensible à la paralysie de ses avant-bras et au remue-ménage des fourmis courant à fleur de peau jusqu’au bout de ses doigts. Il s’amusait de ses récits enfantins, et le tenait éveillé par d’intimes confidences et des histoires de cœur. Tout de suite, il l’avait chéri pour la tendre et transparente enluminure de son visage, qui paraissait éclairé en dedans. Ce n’était plus une peau, mais une pulpe, derrière laquelle, à la moindre variation atmosphérique, par exemple, s’enchevêtraient visi-