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M. Gaillardon réclama l’honneur et le plaisir d’embrasser ces dames. Elles s’essuyèrent les lèvres, se levèrent avec minauderie et se placèrent sur un rang. M. Gaillardon commença la tournée. Il termina par Mlle  Marie. Elle fut obligée de le repousser, car il doublait sa part. Sa joue était d’un rouge écarlate tout neuf, à l’endroit où son beau-frère venait de l’embrasser.

— « Ne vous gênez pas, qu’est-ce que va dire ma sœur ? » —

Ému, comme au jour de sa première communion, le fiancé chercha des mots d’excuses, puis, saisissant la main de M. Repin, il dit :

— « Mon cher papa, merci. » —

Leurs têtes chauves se trouvaient à niveau. Qui était le « cher papa » ? Il eût fallu regarder de bien près. On s’y trompait. L’émotion gagna toute la société. M. Repin, désignant sa femme en larmes, disait :

— « Regardez-la donc, est-elle bête, est-elle bête. » —

Comme il avait peur d’être bête à son tour, il brusqua les choses :

— « Il se fait tard. Allez-vous-en, à dimanche.