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— « C’est une oie ! » —

— « Oui, mais elle n’est pas méchante. » —

— « Il ne manquerait plus que cela ! » —

En outre, elle était trop grande. Sa taille effrayante intimidait les hommes. Elle était aussi trop rouge, et, la figure couverte de taches ardentes, elle faisait à toute heure l’effet de s’être barbouillée en gavant, avec du son délayé, des volailles de concours. Elle avait vingt-cinq ans. M. Gaillardon était un fermier des environs, très à l’aise et déjà en pleine maturité. Henriette n’avait pas à faire d’objection. Du reste, elle n’en cherchait point ; mais, effarouchée et gauche, elle n’osait accepter avec une joie bruyante un bonheur qui pouvait encore lui échapper et qu’elle n’attendait plus. Marie, la jolie brune au teint blanc, avait beau lui dire :

— « Quelle veine ! mais ris donc, veux-tu bien rire ! » —

Elle ne riait pas, tout près de trouver sa cadette insupportable ; elle aurait voulu être un peu seule, avec les quelques idées très rares et nouvelles qui mettaient tant de désordre dans sa tête, et, comme elle connaissait bien l’opinion du monde, elle ne voulait pas croire à tant de chance, et elle s’avouait intérieurement :