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tées, il tente vainement de le dégager. Le bras semble collé. Il dit avec douceur :

— « Aline, Aline, attends voir un peu ! » —

Et, comme elle ne fait aucun mouvement, il s’enhardit, se roidit, et, d’un seul coup, arrache son bras, qui lui semble une chose cotonneuse, inerte, morte, ou plutôt disparue. Un vague ronron s’échappe des lèvres d’Aline, comme un bourdon d’une fleur qu’on a remuée, et du fond de son sommeil elle murmure :

— « Oh que tu m’as fait mal, Albert ! » —

— « Je ne pouvais pourtant pas, dit Albert, attendre ainsi l’aurore. C’est bon pour Milon de Crotone, des situations pareilles ! » —

Et il se retourne du côté du mur, car il a fait prendre à sa femme, dès le début de leur mariage, l’habitude de coucher « sur le devant ». Il prétend que de cette façon, à la naissance du premier enfant, elle n’aura pas à souffrir d’un changement de place toujours pénible…


II


À peine Albert a-t-il retrouvé son bras que le supplice commence. Depuis quelques instants, en