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vaient rendue, en garde contre les entraînements du cœur, les coups de tête et les dépenses qui ne servent à rien.

Enfin Leroc ouvrit les yeux. Il paraissait soulagé. Mais la vue de Pierre le mit de nouveau en fureur. Il lui cria :

— « Va-t’en ! Sors d’ici ! » —

Pierre s’en alla penaud.

— « Ne te fâche pas, dit la Griotte, tu vas te faire mal. » —

À son grand étonnement, Leroc ne sentait plus rien du tout.

En effet, comme on n’avait pas voulu la retirer, la balle s’était décidée à sortir toute seule. Leroc la trouva dans ses bandes défaites. Il la prit d’abord pour un noyau de quelque fruit : c’était bien une balle, un petit morceau de plomb informe, bosselé, enveloppé dans une couche de sang caillé. Pierre, rappelé, d’un coup de canif montra à découvert le brillant du plomb. Il voulait la remettre toute entière à neuf, mais la Griotte et les deux sœurs l’en empêchèrent, comme s’il allait accomplir un sacrilège. Il fut convenu qu’on garderait la balle sous verre, sur la commode, à côté du livre qui avait servi aux trois premières communions des enfants.