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pés par la bizarrerie de l’accident. La Griotte réfléchissait en découpant de la charpie. Elle jugeait la conduite de Pierre avec plus d’indulgence. Peut-être bien, tout de même, qu’ils l’avaient traité par trop en enfant. Elle ne doutait pas que le malheur de Leroc ne fût une punition du bon Dieu. De son côté, Pierre, amolli, avait embrassé sa mère en lui promettant qu’il ne le ferait plus.

Elle hocha la tête sans rien dire. Ils guettaient les mouvements du blessé, parlaient à voix basse, et faisaient « chut ! » aux voisins, qui entraient prendre des nouvelles. Ils les donnaient dans l’oreille, les murmuraient comme des confidences. Les curieux s’asseyaient, regardaient quelques instants Leroc dormir, et faisaient place aux autres. L’un d’eux prétendit qu’on aurait mieux fait d’appeler le vétérinaire, moins cher que le médecin, et, sauf le respect que je vous dois, aussi habile à soigner les gens que les bêtes. Toute la journée ce fut un va et vient.

La Griotte, bien vraiment révolutionnée, répétait :

— « Jamais on n’a vu chose pareille ; mais, je le dis toujours, on n’a que ce qu’on mérite ! » —