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elle l’aiguillonna, vexée toutefois de n’avoir point réussi toute seule.

— « Il faudrait pourtant t’y mettre, Leroc ; et que ça finisse, cette histoire ! » —

— « Ah ! tu te rends, dit Leroc avec dédain ; ce n’est pas dommage. T’a-t-il assez roulé le petit que je ne sais pas prendre. Oh ! tu en es encore une drue, toi, de femme ! Enfin, tu y renonces ; c’est bon, à mon tour ! » —

Il s’expliqua nettement avec Pierre.

— « Ou tu te coucheras ce soir tout de suite après la soupe, ou je te ferai ton affaire ce soir même. » —

Sa voix était si ferme, son attitude si énergique, que les deux sœurs s’agitèrent, effarées, et leurs quatre yeux se déplacèrent vivement, dans tous les sens, comme les billes d’ivoire d’un jongleur.

Pierre ne répondit même pas, et, sa soupe avalée avec précipitation, il s’en alla en pleine liberté, sifflotant.

Il passa dehors la moitié de la nuit.

Comme il rentrait, insoucieux, à son écurie, une détonation éclata tout près de lui. En même temps, un grand cri fut poussé. Pierre se précipita et retint son père prêt à tomber. Leroc venait en