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balançant comme un encensoir. Il laissa tomber ses sabots et saisit le bout du parapluie en disant d’une voix basse :

— « T’es folle, maman, t’es folle, c’est sûr. » —

Elle lui jeta des mottes de terre, des morceaux de bois, tout ce qu’elle trouvait sous sa main. Il ouvrit le parapluie, et les projectiles rebondirent sur la toile tendue et sonore. Elle l’insultait en lui donnant des noms d’animaux méprisés, sans trop crier, de peur de réveiller les deux sœurs. Enfin elle agrippa une baleine du parapluie. Pierre le lâcha et disparut dans la nuit.


V


Le lendemain soir, la Griotte repartit en chasse comme de coutume. Il lui sembla qu’elle suivrait Pierre plus aisément. Il marchait au milieu de la route sans tourner la tête de droite et de gauche, comme une personne honnête qui se promène, pour se promener, et n’a rien à craindre. Il s’enfonça tranquillement dans l’ombre des acacias. Elle crut le tenir, avec l’autre peut-être. Mais brusquement il se retourna et s’écria  :

— « Si tu crois que je ne te vois pas ! mais tu perds ton temps. » —